Cassini I
Cassini I

Le lycée de Clermont a reçu un nom qui peut symboliser l’Humanisme, la Philosophie au sens du XVIIIème siècle, en un mot l’Esprit : Cassini. Un nom mais pas de prénom car c’est toute une famille dont on veut ici s’honorer.

Issu d’une famille noble connue depuis le XIIème siècle et né le 8 juin 1625 à Périnaldo, dans le comté de Nice alors “italien”, Jean-Dominique, le premier des Cassini établis en France, avait été, dans son pays natal et au service du Pape, un remarquable ingénieur hydraulicien et un habile négociateur, un jeune poète aux œuvres latines et italiennes couronnées par ses maîtres, un savant astronome et un inventeur de machines quand il n’était pas occupé à des observations entomologiques ou géologiques ou à des expériences sur la transfusion sanguine.

Appelé en France en 1669, par Louis XIV à qui Colbert l’avait recommandé, il y continua les travaux commencés dans son Italie natale. Il fut aussi, en même temps que membre de l’Académie des sciences qui venait d’être fondée, le véritable créateur de l’Observatoire de Paris qui fut, plusieurs années avant celui de Londres, un véritable prototype de centre de recherches. Parmi ses innombrables travaux citons sa découverte de trois des satellites de Saturne, ses éphémérides de ceux de Jupiter, sa découverte de la division à laquelle son nom a été donné dans l’anneau de Saturne, sa découverte de la lumière zodiacale, ses observations des taches à la surface du Soleil ou de Jupiter, sa superbe carte de la Lune et bien d’autres encore. Cet infatigable observateur mourut aveugle à Paris le 14 septembre 1712.

Devenu français par lettres de naturalité accordées en 1773 par Louis XIV, il avait épousé Geneviève Delaistre, fille du Lieutenant-Général du baillage de Clermont, dont il eut deux fils.

L’aîné, Jean-Baptiste, dut à une mort prématurée survenue à la bataille de La Hougue en 1692, de n’avoir été que lieutenant des vaisseaux du roi alors qu’il semble que ses goûts le portaient à de prometteuses recherches pratiques sur l’astronomie appliquée à la navigation.

Son cadet, Jacques, dit Cassini II, né à Paris en 1677, bien que membre de l’Académie des sciences à 17 ans, fut un peu éclipsé par la gloire de son père, moins admiré que lui et même contesté. Il n’en fut pas moins, en même temps qu’un observateur consciencieux, un juriste scrupuleux, un opticien de talent et un infatigable arpenteur de la France. Il mourut le 15 avril 1756, des suites d’un accident de voiture alors qu’il venait à la propriété familiale de Fillerval à Thury-sous-Clermont. Il repose dans l’église de ce village. Il laissait trois fils.

L’aîné, Dominique-Jean, né en 1713 se distingua par sa parfaite probité dans ses fonctions de Maître ordinaire de la Chambre des Comptes.

cassiniIIICésar François, le cadet, né le 17 juin 1714 à Thury, dit Cassini III, passionné de géodésie et de géométrie, poursuivit, avec son cousin Maraldi, les travaux de son père et construisit cette merveille qu’est la carte de la France, établie au 1/86.400, l’ancêtre de la carte au 1/80.000 qui fit la gloire de la cartographie française. Il est aussi le mathématicien qui définit la fonction donnant une courbe appelée “Cassinienne”. Membre de l’Académie des sciences dès 1736, à 22 ans, il mourut le 4 septembre 1784 de la petite vérole.

Le dernier, Dominique Joseph, né le 27 novembre 1715, mousquetaire du roi à 17 ans, fit toute une carrière militaire, batailla dans les Flandres et fut maréchal des camps et armées du roi. Sa femme, qui tenait salon, subit les foudres de l’archevêque de Paris pour avoir joué chez elle “Mélanie ou la religieuse”, pièce interdite de La Harpe…

cassiniIVFils de César François, né à Paris le 30 juin 1747, Jean-Dominique comte de Cassini, dit Cassini de Thury, dit Cassini IV, après avoir voyagé d’Amérique en Afrique pour éprouver les montres marines de Leroy, reçu à l’Académie des sciences en 1770, à 23 ans, capitaine d’un régiment de marche, restaurateur de l’Observatoire de Paris, continuateur de la carte de France, fut nommé, à son corps défendant, représentant à la Commune de Paris. La Révolution le chargea de faire dresser la carte des départements nouvellement créés et le nomma aussi membre de la commission des poids et mesures. Chassé de l’observatoire par les “robespierristes”, il fut dépossédé de “sa” carte.

Protecteur des Ursulines de Clermont qu’il accueillit dans son château de Fillerval, incarcéré même un moment en février 1794 au couvent des Bénédictins anglais, il fut finalement sauvé par Thermidor. Vice-président du Conseil général de l’Oise, juge de paix du canton de Mouy et auteur prolixe et plein d’humour il fut un maire attentif et généreux de Thury. Il y mourut sans héritier le 18 octobre 1845 après avoir fait de nombreux dons à la commune de Clermont. On peut voir sa tombe dans le cimetière de l’église de Thury.

Son fils, Alexandre Henri Gabriel, vicomte de Cassini, dit Cassini V, né le 9 mai 1781, était mort du choléra en 1832. La carrière d’astronome lui avait été interdite par ceux-là mêmes qui avaient poursuivi son père. Conseiller à la Cour de Cassation, il se préoccupa particulièrement de la législation portant sur l’enseignement. Il herborisa aussi dans le Clermontois et en tira une classification remarquée des Synanthérées. Il publia de nombreux ouvrages savants. Membre de l’Académie des sciences depuis 1827 il fut fait Pair de France en 1831.

Une famille d’immigrés italiens, donc, qui, durant cinq générations et près de trois siècles, donna à la France astronomes, architectes, physiciens, mathématiciens, cartographes, géodésiens, botanistes, soldats, entomologistes, magistrats et même poètes…

Les Cassini, qui conjuguent toutes ces spécialités, chacun à sa façon, mais toujours avec excellence, réussissent même l’exploit unique d’avoir sept descendants de Jacques Cassini, l’ancêtre italien, (si l’on compte les Maraldi, descendants d’une sœur de Jean-Dominique 1er) membres de l’Académie des Sciences, dont trois en même temps…

Et cette dynastie de “savants congénitaux”, ces passionnés de savoir qui, sans excès de modestie, se donnent des “numéros”, la tête dans l’espace et parfois très proches des rois mais les pieds sur terre, plantent leurs racines dans le Clermontois auquel ils apportent les bienfaits de leur générosité.

Alexis Piron, dépité de n’être pas reçu à l’Académie Française écrivit: “Ils sont quarante qui ont de l’esprit comme quatre”. Les Cassini de France ne furent que huit. Ils eurent, eux, du cœur, du courage, du talent, en un mot de l’Esprit comme cent.

On ne peut que souhaiter que ce foisonnement intellectuel inspire élèves et maîtres du lycée qui porte le nom de cette famille d’exception.

Auteur : Jean-Claude MINET, professeur d’Histoire Géographie